JE VOUDRAIS ALLER ME PROMENER DANS LES BOIS
MÉTAMORPHOSES
Photographies de Marie-Claire Raoul
Une immersion poétique dans le bois de Keroual !
Une expérience de métamorphose intérieure vécue par 17 femmes !
Genèse du projet
J'ai commencé la série photographique Je voudrais aller me promener dans les bois en décembre 2016. A cette époque, je travaillais sur le thème de Psyché. Ma fille Adèle en était le sujet principal. La figure de Psyché est issue du conte platonicien d'Apulée Amour et Psyché dans L'âne d'or et les métamorphoses. Psyché se retrouve plusieurs fois seule abandonnée dans la nature, vivant une sorte de parcours initiatique au cours duquel de nombreuses transformations intérieures vont la bouleverser. Dans ce conte, la métamorphose symbolise un voyage intérieur de l'âme pour aller vers plus de pureté, vers une connaissance véritable au-delà des apparences. J'ai eu envie de travailler sur cette thématique du rapport des êtres humains à la nature, sur notre désir d'authenticité, mais aussi sur notre difficulté à savoir qui nous sommes réellement, sur notre insatiable quête du sens de la vie.
La forêt : Le bois de Keroual
Lors d'un de ses brefs séjours à Brest, j'ai proposé à Adèle, qui vit par ailleurs dans un environnement hyper urbain, d'aller se promener en ma compagnie dans le bois de Keroual, domaine sylvestre sur la commune de Guilers aux abords de la ville de Brest. Adèle connaissait cet endroit. Nous y allions quand elle était petite. Le bois de Keroual, d'une apparente rusticité, est un écrin de beauté et de nature à proximité de la ville.
La forêt a revêtu son voile des jours de pluie.
Ciel gris, breton. Les feuillages et l’écorce des arbres s’imprègnent de l’averse fraîchement tombée. Leur teinte s’assombrit. J’observe. Je me remémore cette Bretagne sauvage quittée depuis plusieurs mois. Je nourris d’images ma mémoire. (Adèle L., extrait)
L'écharpe
Il faisait froid. Adèle avait emmené son écharpe. Au cours de la promenade, l'écharpe s'est transformée en accessoire, support d’un jeu de voilement et dévoilement.
J’enroule l’écharpe autour de mon visage, et soudain, je me sens telle une enfant de la forêt, prête à émerger de sa chrysalide et à redécouvrir le monde après cette immersion dans la nature. (Adèle L., extrait)
Femme et nature/Altérité et humanité
À l’occasion d’une résidence dans un lieu d’accueil pour les femmes à Brest, j'ai invité les personnes qui y sont accueillies à vivre cette promenade-portrait insolite. Mis à part le fait d’accepter d’être photographiée au cours du périple, la seule consigne était d’emporter avec soi un accessoire, un objet pour jouer et interagir avec son corps ou les éléments en présence.
Plusieurs d’entre elles ont accepté de venir me rejoindre au bois de Keroual.
La pensée commune associe symboliquement les femmes à la nature. Ce travail interroge les relations que les concepts de nature et de genre entretiennent avec les notions d’humanité et d’altérité, d’existence et d’apparence.
Désir d'être au monde
Par la magie du lieu et de deux volontés réciproques, sous le double regard de la photographe et de l’appareil photographique chacune a dévoilé son désir d’être au monde, le plaisir de se mouvoir avec et contre lui.
La métamorphose
Depuis la nuit des temps, la forêt symbolise la limite entre l'humain et le sauvage. Lieu protecteur, enveloppe primitive mais aussi espace inquiétant de l'inconscient.
Or, invariablement, à un moment du parcours, soit de leur propre initiative, soit parce que je les y incitais, elles ont, complètement ou en partie, dissimulé leur visage derrière l’objet apporté...
...En voilant leur visage derrière le tissu ou l’objet, les promeneuses s’isolent du monde extérieur tout en dérobant leur face aux regards et cette perte d’identité provisoire nous met mal à l’aise. Elle nous confronte à l’inconnu, à l’incontrôlable et à une forme de vulnérabilité. Mais, une fois l’étoffe enlevée, autant du côté de l’observateur que des personnes concernées, la manière de voir et de dire le soi, l’autre et le monde est différente.
L'objet abandonné
...Notre liberté s’inscrit donc dans ce pouvoir de décider ce que nous donnons à voir. Plus encore, elle dépend du droit de chacun·e à naître à nouveau face à soi-même et face aux autres. Car doit-on se laisser enfermer dans une « identité » définitive ?